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À propos de la recherche sur le sommeil

Interroger le sommeil, c’est se placer au cœur d’une recherche étrange.

Une recherche qui prend place dans un vortex, un trou aveugle, un espace où pensées, intuitions, images, rêves, se juxtaposent, se rencontrent, se percutent, s’entrechoquent,

sans que rien jamais ne se fixe.


Un espace dans lequel tout se dérobe toujours et glisse.

Je reviens sans cesse à cet espace qui m’attire comme un aimant. Je ne sais pas pourquoi.
Peut-être, à mon insu, me semble-t-il rassurant de cheminer avec l’inabouti, de garder l’inachèvement à porter de main.

Plusieurs objets ont émergé de cette recherche :

une installation en faveur de l’insomnie, lorsque celle-ci est éthique ; une performance sur la berceuse en tant que lisère, point de jonction et de bascule vers l’endormissement ; un livre qui compile des représentations du sommeil que j’observe de mon regard d’artiste désireuse de le représenter ; un film qui rêve les tissus du corps endormi ; un spectacle qui prend au pied de la lettre le principe selon lequel le sommeil est une lutte ; un sleepy set ; un documentaire sur le sommeil des enfants, sur leurs peurs et leurs rêves.

 

Tous ces objets permettent de rencontres, des moments de transmission, de réflexion, de recherche partagée.

Mon désir se porte avant tout sur le lien, sur ce qui nous relie dans nos sommeils méconnus. Méconnus car nous ne sommes pas spécialement familiers d’eux, et pourtant nous en demeurons les expert.es. Nous ne les voyons jamais, mais en parlons beaucoup.

Dire que le sommeil est inclusif est tout aussi vrai (et c’est tellement vrai que c’est un

état en partage parmi les espèces), est tout aussi vrai donc, que de dire qu’il est excluant :

il y a de la solitude dans le sommeil.

Mais, comme toujours avec cet état, rien n’est exactement fixé ni figé : la solitude de l’endormi.e est la solitude la mieux répandue et la mieux partagée, elle crée de l’empathie.

Un absentement à soi et aux autres, un absentement qui n’est peut-être autre que celui de la vie qui retourne à elle-même, à sa condition première et absolue, celle d’un repos éternel dont nous serions issu.es et auquel nous serions voué.es.

Entretemps, l’existence. L’existence de la veille de chaque jour, l’existence et ses turpitudes, ses joies, ses certitudes. Existence chaque jour digérée, avalée, engloutie et rejouée sous un mode étrange, à la faveur du sommeil.

On dit souvent de la mort qu’elle est la grande égalisatrice.

Peut-on dire du sommeil qu’il serait le grand égalisateur ?

En principe, oui.

Encore faudrait-il que tout le monde, non pas dorme, mais puisse dormir.

 

J’habite une ville où s'enrichissent les marchands de sommeil, qui, contrairement à ce que leur nom indique, vendent des conditions contraires au repos. J’entends le sort qui est réservé à tant d’êtres, sous les bombes, dans la faim, le froid, la peur, maltraités, privés de liberté, piégés dans les filets d’un cynisme brutal et cruel qui n’en finit pas de s’étendre.

Des enfants me disaient que, pour dormir, il faut se sentir aimé.e et protégé.e, être dans un endroit tranquille, sans bruit et sans stress, un endroit mou ou doux, que cela dépendait des préférences.

Conditions idéales finalement peu répandues.

Alors quoi, ne pas dormir pour veiller, en pensée, avec les infortuné.es ?

Ne pas dormir pour se révolter ?

Si l’on garde le cœur ouvert, il est difficile de faire autrement…

Un autre discours se répand. Il consiste à dire que l’on peut dormir pour résister.
'Remplacer le capitalisme par un bonne sieste', 'Rest is Resistance'.

Je repense à toutes ces fois où j’ai entendu suspecter et moquer une personne qui se

lèverait trop tard aux yeux des autres. Trop tard pour ne plus apparaître comme un.e

fainéant.e ; c’est-à-dire comme celui/celle qui fait (le) néant.

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Mais quel néant ? Celui qui consiste à ne pas orienter la vie toute entière vers la production ?

À ne pas jouer le rôle d’une vie rentable qui ne peut justifier son besoin de repos que par son labeur ?

Je m’interroge sur le sommeil. J’aime qu’il nous offre chaque jour la possibilité d’une déliaison, de ne pas exister pour produire ni pour consommer. Je m’interroge sur ce que cet état pourrait apporter à la veille, ce que ce serait de voisiner comme autant d’endormi.es, incapables de catégoriser, de réifier, d’exploiter, de massacrer, de tirer profit.

Bien sûr, il faudrait que tout le monde joue le jeu.
Mais peut-être cela vaudrait-il la peine d’essayer ?

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Esther Meunier Corfdyr, mars 2024

UN CYCLE POUR LE SOMMEIL

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NULLE DIMENSION vol. 1

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Travail en cours pour

NULLE DIMENSION vol. 2

Travail collectif en cours au sein du groupe HypnoScène pour un ouvrage sur l'hypnose

Capture d’écran 2024-04-08 à 22.26_edite

sans titre, film

Réalisation d'un documentaire sur le sommeil en cours

Ce cycle est mené avec Amandine Grousson, Lucie Cardinal, Esther Mary.

Sans oublier Sandar Tun Tun, Giuseppina Comito, Alice Boivin et Emmanuel Fleury qui ont accompagné un temps la recherche !

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